Les registres de la paroisse Sainte-Anne-des-Monts pour le 5
août 1865 font état de l'information relative à une opération d'exhumation des
corps qui s'est étalée sur trois jours. La raison de cette opération tient au
déménagement dans un nouveau cimetière.
Il y a lieu de souligner que ces informations ne sont
présentes que dans la seule copie religieuse du registre sous le titre général
«Exhumation du vieux cimetière.».
Quelques commentaires
sur cette opération :
- autorisée : par le pouvoir religieux [par lettre de l'évêque de
Québec datée du 16 mai 1865]; quant au pouvoir judiciaire, le curé mentionne
qu'il s'est informé auprès de son évêque de la nécessité d'une autorisation
judiciaire et que ce dernier l'a assuré verbalement que cela n'était pas
nécessaire à moins d'une opposition venant de la population
- documentée : plus de trois feuillets du registre soit plus de six
pages y sont consacrés; l'information prend la forme d'une sorte de «journal de
bord» ou plutôt d'un «livre de comptes» quotidien tenu par le curé [«...et notifions ci dessous toutes les
connaissances qu'il a été possible de recueillir durant toute cette exhumation.»];
à noter que la réglementation ne prévoit rien en cette matière et que,
habituellement, un acte spécifique et davantage sommaire est rédigé dans le
registre
- menée avec beaucoup de précautions : l'autorisation écrite de
l'évêque de Québec précise notamment que «…l’on tienne un état des corps ainsi transportés en mentionnant autant
que possible les noms des personnes.»
- qui mobilise plusieurs personnes : le curé, les fossoyeurs, les
témoins officiels et les parents et amis des personnes concernées; s'ajoutent à
cela les inévitables curieux en raison de son caractère inhabituel, macabre et
spectaculaire [«...à ce travail si
pénible et si sacré...»]
- touche beaucoup de cadavres : le curé ventile les résultats par journée. Pour
la première journée, notons la distinction en «Exhumation positive» [le nom et l'année du décès pour 6 d'entre
eux] et en «Exhumation probable et
incertaine» [et pour chaque cas, une description sommaire du genre «une vielle personne méconnaissable»]; à
la fin de cette journée, le curé précise que [«…Les noms et dates susdits ont été donnés par les parents, amis des
défunts exhumés. Malgré la nombreuse assistance des témoins de la paroisse,
tout pourtant laisse un affligeant doute sur la réalité des noms precités. Rien
dans la tombe, sauf les chevelures, ne pouvait donner un renseignement quelconque.
Les os seuls, et quels os ! restaient pour dire à la paroisse de Ste
Anne des Monts, que dix ans suffisent
pour tout briser, détruire et annihiler. A l’exception de Virgine Sasseville
qui avait conservé quelque apparence de chair ou de pourriture, le reste
pouvait tenir dans une caisse de deux pieds. Mon Dieu ! qu’est-ce que l’homme
après sa vie !»]
pour la seconde journée, le
curé rajoute que [«Les renseignements susdits, comme à la première journée
d’exhumation, reposent sur des témoignages plus ou moins certains ou probables.
Nul ne pourrait garantir l’exactitude des corps levés : tout, l’age, le sexe, a
été determiné par des personnes compétentes; et quand il ne reste que des
ossements et de la pourriture, le doute sur les exhumations incertaines laisse
la liberté de croire qu’on ne se tromperait pas si on changeait l’age.»]
pour la troisième journée,
une mention particulière est digne de mention : [«Deux enfants de Barthelémy Lafontaine (les brulés),» ; 22 ans et 12
ans;]
- à la fin de l'opération, le curé
estime le nombre d'exhumations positives à 50 et les incertaines à 101, auxquelles
s'ajoutent 28 personnes de l'ancien cimetière pour un total de 179 personnes. Compte tenu des commentaires du curé,
ces chiffres doivent être pris sous toute réserve
- la difficile identification des cadavres avec les éléments pris en
compte : l'âge estimé, l'état des corps [restes, squelette, ossements....] et l'emplacement
du cadavre; le curé lui-même émet des doutes sérieux sur la fiabilité des identifications
effectuées
- en résulte un grand nombre d'incertitudes dont l'identification des cadavres
et l'emplacement des nouvelles tombes
- les squelettes de la fosse commune n'ont pas été oubliés et ont été inhumés
dans un espace analogue dans le nouveau cimetière «…les corps des reservés ont été deposés dans le cimetière actuelle
des reservés et que tout ce susmentionnés à part les corps reservés a été
déposé vers le milieu du Sud du cimetière actuel, et que ces restes, après
inhumation complète ont été caché et enterré tel que soit par le terrain
ordinaire soit par du gravier.…»
- la mention d'un «vieux cimetière» [«un vieux cimetirère y déposé dans une caisse de 3 pds quarrés...»] illustre bien les
limites de la mémoire collective d'une communauté paroissiale en cette matière et,
de façon indirecte, qu'un registre de l'état civil est un instrument déficient
au plan de la gestion d'un cimetière
- il faut considérer ces
informations davantage comme un document
de la fabrique qui a la responsabilité de la gestion du cimetière.
[Summary :
The church
record about a mass exhumation of corpses in Sainte-Anne-des-Monts, Québec.]