mardi 14 mai 2024

À propos de François-Xavier (Guillaume) Cayouette


Depuis des années, l’identité des parents de François-Xavier (Guillaume)[1] Cayouette est source d’interrogations pour plusieurs personnes. La consultation de sa fiche de famille permet d’en identifier certaines dont la principale liée à son baptême à titre d’enfant né de parents inconnus. D’autres interrogations ont porté sur son prénom, la graphie de son nom de famille, et le lien entre lui et les Cayouette de Bonaventure. Voyons ce qu’il en est de ces problématiques.

 

Son prénom

-       Il est prénommé François Xavier à son baptême, Guillaume à son premier mariage et «…François-Xavier (Guillaume…)» à son second mariage. Ce dernier prénom de Guillaume semble avoir prévalu pour les dernières années de sa vie. On ignore à quelle date et pour quelle raison ce prénom Guillaume est apparu.

-       Comme il ne savait pas signer, on peut être assuré de son prénom usuel.


La graphie de son nom de famille

-       Le texte de son acte de baptême ne fait état d’aucun nom de famille.

-       Par ailleurs, il est mentionné sous «Caillouette» à ses deux mariages et au baptême de ses enfants ; au premier baptême, il est mentionné sous «dit Caillouette».

-       Pour les années récentes, le nom de famille de ses descendants est «Cayouette» de même que les références le concernant. La lecture du billet publié le 28 août 2014 et intitulé À Bonaventure, les Caillouette sont devenus des Cayouette est suggérée pour en connaître davantage sur cette question.

-       La mention «Caillouette» comme nom de famille de Guillaume est présente dans l’acte de donation qui sera examiné plus loin mais a été biffée. Il serait intéressant de connaître la raison, et le nom de la personne qui a demandé au notaire Joseph-Guillaume LeBel de faire ce changement.


Son identification correcte

-       Cette problématique débute avec son acte de baptême[2] daté du 19 mai 1859 dans la paroisse Notre Dame de Pasbébiac qui fait état de sa naissance «…il y a dix jours [soit le 19 mai 1859] de parents inconnus.». Le nom de son parrain est Jules Loisel et celui de sa marraine Élizabeth Grenier. Selon une coutume fréquente, le choix de ces derniers est souvent fait parmi les membres de la parenté proche de l’enfant. Dans ce cas-ci, leurs noms ne semblent pas une piste qui porte fruit de ce point de vue.

-       La consultation de sa fiche de famille permet d’en connaître davantage sur Guillaume. Lui et sa première épouse Marie-Delphine Cavanagh ont eu 13 enfants dont les trois filles mentionnées à l’acte de donation qui sera étudié plus loin.

-       Dans le texte de l’acte de son premier mariage le 31 août 1880, la mention de la présence de «…Silvestre Caillouette, ami de l’époux…»[3] a toujours intrigué les chercheurs et pour cause comme il est peu fréquent de voir une telle mention dans un acte de mariage.

-       La consultation de la fiche de famille de Sylvestre Caillouette permet de noter que lui et son épouse Marie-Olive Bujold ont eu quatre garçons, tous décédés en bas âge ; celui qui a vécu le plus longtemps est décédé à l’âge de six ans et quatre mois. Une situation dramatique pour un couple en milieu rural à cette époque et qui n’est pas étrangère à la situation traitée dans ce billet.


Le lien avec les Caillouette (Cayouette) de Bonaventure

-       La première mention sur cet aspect présente dans les registres de l’état civil est celle de Sylvestre Caillouette à titre d’«…ami de l’époux…» au premier mariage de Guillaume le 31 août 1880.

-       La consultation de la fiche de famille de ce dernier apporte des éléments nouveaux intéressants dans le contexte évoqué ici. Une telle mention peu fréquente dans un acte de mariage soulève des interrogations et particulièrement, comme dans le cas présent, lorsqu’il s’agit d’un enfant né de parents inconnus.

-       Vérification faite, peu de Caillouette ont agi à titre de parrain ou de marraine pour l’un des 13 enfants de Guillaume et de Delphine Cavanagh. Il s’agit de Marie Caillouette pour Bonaventure, Antoine Caillouette pour Joseph Ernest, et, enfin, Honoré Caillouette qui a alors signé «Honoiré Caylouette» [!] pour Joseph Sylva Oscar.


Diverses autres interrogations dont celle de sa filiation

-       Depuis sa naissance et son baptême, l’identité des parents biologiques de Guillaume n’est pas connue.

-       Au fil du temps, de nombreuses hypothèses ont été formulées sur sa filiation et notamment sur son père, mais, chaque fois, aucune preuve n’a été fournie pour les étayer.  

-        Le nom de sa mère biologique constitue un défi encore plus difficile et qui est loin d’être résolu.

-     Dans le recensement de 1861, le recenseur a inscrit tous les Caillouette de Bonaventure sous le nom de famille «Cailliouette» [!], une des nombreuses variantes de ce nom de famille qui a été et est encore souvent déformé. Un balayage de ce recensement soulève une autre interrogation : où est François-Xavier (Guillaume) à la date de ce recensement ? La même interrogation se pose pour les recensements de 1871 et 1881. Noter que, dans un recensement, la notion de ménage n’est pas toujours synonyme de famille et se rappeler que les informations de ce recensement sont réputées valables pour le 14 janvier 1861.


L’acte de donation d’une terre du troisième rang du township d’Hamilton

Cet acte[4] notarié daté du 18 octobre 1884  est intitulé «Donation par Sr. Sylvestre Cailouet et Son épouse a Marie Elizabeth, Marthe, Philomène Caillouette leur fils & al». Il compte quatre pages manuscrites placées immédiatement à la suite des testaments[5] des deux donateurs. Il a été «…fait et passé au dit lieu de Hamilton, demeure des donateurs…» et sa lecture ne présente aucune difficulté particulière. Il peut être consulté dans le greffe  [images 2438 à 2440/2838] du notaire Joseph-Guillaume LeBel de New Carlisle. Le texte de cette donation se trouve à la suite du testament de son épouse Marie-Olive Bujold [image 2432/2838] et celui du testament de Sylvestre Caillouette [image 2435/2838]. Dans le testament de son épouse, Sylvestre est décrit comme un «…ancien cultivateur et pêcheur…».


L’exploitation du contenu du texte de cette donation

-    Les personnes concernées et présentes sont : Sylvestre Caillouette et son épouse Marie Bujold à titre de donateurs ; leurs trois filles : Marie Elizabeth et son époux Joseph Forest,  Marthe et Philomène, et «…Guillaume Caillouette, leur fils adoptif[1],…». Sylvestre, son épouse et Guillaume n’ont pas signé au bas de l’acte, chacun ayant plutôt fait sa marque. Les trois filles et Joseph Forest ont signé.

-    La donation concerne le lot No 25 situé dans le troisième rang du township d’Hamilton. Cette terre est divisée en deux parties dont une pour les trois filles prénommées et l’autre pour Guillaume ; noter que, sur ce plan, il y a disparité entre Guillaume et les trois autres récipiendaires.

-       À la date de la rédaction de cet acte, Sylvestre né le 5 décembre 1831 a un peu plus de 55 ans, son épouse Marie Bujold née le 25 décembre 1830 a un peu plus de 56 ans, Marie Élizabeth née le 14 septembre 1856 a 28 ans, Marthe née le 27 septembre 1864 a 20 ans, Philomène née le 8 août 1870 a 14 ans et, enfin, Guillaume né le 19 mai 1859 et marié en premières noces le 31 août 1880 est âgé d’un peu plus de 20 ans et est déjà père de deux enfants.

-       Dans le texte de l’acte, il est fait mention à la page deux que «Cette donation faite comme susdit au dit Guillaume en considération des services par lui rendus aux dits donateurs avant les présentes.».

-       Une absence doit être soulignée, celle de Marie Caillouette, une des filles de ce couple et qui se mariera à Bonaventure le 21 octobre 1884 avec Alfred-Bonaventure Henry. Quelle raison explique que cette fille ne soit pas partie prenante à cette donation ?

-       Il s’agit donc d’un geste réfléchi de la part de Sylvestre Caillouette et de son épouse qui ont voulu consigner et officialiser le tout dans un acte notarié. À leurs âges, il est temps de se préoccuper de ce qui adviendra de cette terre.

-    Il s’agit également d’un geste important si l’on tient compte de la valeur d’une terre à cette époque et, pour le donateur, des efforts qu’il lui a consacrés.

-     Par ailleurs, donner la moitié d’une telle terre à un enfant adoptif qui, par surcroit, est né de parents inconnus a de quoi étonner. Ce document et certaines de ses modalités ont sûrement fait parler dans la famille et les proches de ce couple et pour cause.


De quelle façon expliquer ce document ?

-       Reste à expliquer pour quelle raison Sylvestre Caillouette a fait une partie de ce don à François-Xavier (Guillaume) ? Certaines circonstances sont pour le moins particulières sinon étonnantes : un enfant né de parents inconnus, qui aurait été leur fils adoptif et, selon le texte de l’acte, le don aurait été fait pour des services rendus antérieurement. La présence de Sylvestre au mariage de Guillaume le 31 août 1880 où il est qualifié d’«…ami de l’époux…».  Sur un autre plan, il faut expliquer le nom de famille Cayouette porté plus tard par lui, ses enfants et leurs descendants.

-       À première vue, aucune raison ne s’impose d’emblée. Dans le contexte particulier de Sylvestre Caillouette à cette époque et dans la foulée de la donation d’une partie d’une terre, il y a lieu d’évoquer une hypothèse qui permette d’apporter des éléments de réponse à ces diverses interrogations. Pour notre part, nous formulons l’hypothèse que ce dernier est le père biologique de François-Xavier (Guillaume).

-        La seule façon de conforter ou d’infirmer cette hypothèse exige d’avoir recours à la confection de tests d’ADN. Cela permettrait notamment de statuer sur le nom du père biologique de François-Xavier (Guillaume) et, par surcroît, de connaître le profil génétique de sa mère biologique dont on ignore toujours le nom. De façon concrète, le recours à des tests d’ADN-Y et d’ADNmt s’imposerait. S’il s’avérait que cette hypothèse se confirme, une difficulté surgirait : en effet, à cette époque, une telle donation à un enfant adultérin aurait été nulle et de nul effet. Enfin, il est évident que des personnes savaient des choses à Bonaventure et n'ont pas parlé.


Par ailleurs, cette avenue soulève des interrogations fort importantes sur divers plans dont certaines en matière de vie privée et de protection des renseignements personnels sans compter au plan de l’éthique :

-       au plan de la technique elle-même, un acte de foi doit être fait sur la façon dont les résultats ont été obtenus et sur leur exploitation effectuée selon des protocoles reconnus ;

-       de plus, la perte de contrôle sur les données génétiques personnelles est possible compte tenu qu’il s’agit d’entreprises privées. De même, les mesures de sécurité peuvent être inadéquates ou ces données peuvent être vendues ou partagées avec d’autres entreprises. Enfin, ces données pourraient être utilisées à d’autres fins qui ne conviendraient pas.

-       Comme l’ADN d’une personne est en grande partie partagée avec les membres de la famille, les résultats de tels tests s’appliquent à chacun des descendants des personnes testées. Dans ce contexte, obtenir à l’avance leur consentement est de mise avant de procéder à de tels tests. Dans le cas présent, les personnes concernées sont beaucoup plus nombreuses que les seules proches : tous les descendants de François-Xavier (Guillaume) et de Sylvestre Caillouette le sont, ce qui totalise un grand nombre de personnes et constitue en pratique une opération difficile à mener correctement.

-       Pour notre part, nous ne participons pas à de tels exercices et nous ne demandons pas à d’autres personnes de se prêter à de tels tests puisqu’il s’agit là d’une décision importante que chaque personne doit prendre de façon libre et éclairée et  disposant des informations sur tous les aspects d’une telle opération.

 

Nos remerciements à Réal Forest et à Émilien Cayouette pour avoir formulé des commentaires ou avoir porté certaine de ces informations à notre attention.



[Summary :
Some comments pertaining to the donation of a farm in Bonaventure, Québec.]

_________

[1] Né et baptisé sous les prénoms François Xavier, il a été souvent identifié comme Guillaume notamment à l’occasion de ses deux mariages.

[2] Le contenu et le libellé de cet acte sont identiques dans les copies religieuse et civile de ce registre.

[3] Pour ajouter aux interrogations, sur le site Généalogie Québec, Sylvestre Caillouette y est alors indexé dans Le Lafrance comme le père de l’époux ! Aucune information n’est fournie pour expliquer ce choix.

[4] Vérification faite dans l’index de ce greffe, aucun autre document ne fait référence à François-Xavier (Guillaume) Cayouette.

[5] Reflet de cette époque où les femmes n’avaient pas de capacité juridique, Sylvestre Caillouette autorisera son épouse à cet  effet ; Joseph Forest fera de même pour son épouse Marie Élizabeth Caillouette.

[6] À notre connaissance, il s’agit de la première (sinon la seule) fois où Guillaume est décrit dans un document comme leur «…fils adoptif…». Il y a lieu de se rappeler que l’adoption à cette époque prend rarement la voie officielle d’un acte notarié ou judiciaire.

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