jeudi 7 mars 2013

L'exhumation de 119 corps dans le cimetière de Sainte-Anne-des-Monts

Les registres de la paroisse Sainte-Anne-des-Monts pour le 5 août 1865 font état de l'information relative à une opération d'exhumation des corps qui s'est étalée sur trois jours. La raison de cette opération tient au déménagement dans un nouveau cimetière.

Il y a lieu de souligner que ces informations ne sont présentes que dans la seule copie religieuse du registre sous le titre général «Exhumation du vieux cimetière.».                                                        

Quelques commentaires sur cette opération :
- autorisée : par le pouvoir religieux [par lettre de l'évêque de Québec datée du 16 mai 1865]; quant au pouvoir judiciaire, le curé mentionne qu'il s'est informé auprès de son évêque de la nécessité d'une autorisation judiciaire et que ce dernier l'a assuré verbalement que cela n'était pas nécessaire à moins d'une opposition venant de la population
- documentée : plus de trois feuillets du registre soit plus de six pages y sont consacrés; l'information prend la forme d'une sorte de «journal de bord» ou plutôt d'un «livre de comptes» quotidien tenu par le curé [«...et notifions ci dessous toutes les connaissances qu'il a été possible de recueillir durant toute cette exhumation.»]; à noter que la réglementation ne prévoit rien en cette matière et que, habituellement, un acte spécifique et davantage sommaire est rédigé dans le registre
- menée avec beaucoup de précautions : l'autorisation écrite de l'évêque de Québec précise notamment que «l’on tienne un état des corps ainsi transportés en mentionnant autant que possible les noms des personnes
- qui mobilise plusieurs personnes : le curé, les fossoyeurs, les témoins officiels et les parents et amis des personnes concernées; s'ajoutent à cela les inévitables curieux en raison de son caractère inhabituel, macabre et spectaculaire [«...à ce travail si pénible et si sacré...»]
- touche beaucoup de cadavres : le curé ventile les résultats par journée. Pour la première journée, notons la distinction en «Exhumation positive» [le nom et l'année du décès pour 6 d'entre eux] et en «Exhumation probable et incertaine» [et pour chaque cas, une description sommaire du genre «une vielle personne méconnaissable»]; à la fin de cette journée, le curé précise que [«…Les noms et dates susdits ont été donnés par les parents, amis des défunts exhumés. Malgré la nombreuse assistance des témoins de la paroisse, tout pourtant laisse un affligeant doute sur la réalité des noms precités. Rien dans la tombe, sauf les chevelures, ne pouvait donner un renseignement quelconque. Les os seuls, et quels os ! restaient pour dire à la paroisse de Ste Anne des Monts,  que dix ans suffisent pour tout briser, détruire et annihiler. A l’exception de Virgine Sasseville qui avait conservé quelque apparence de chair ou de pourriture, le reste pouvait tenir dans une caisse de deux pieds. Mon Dieu ! qu’est-ce que l’homme après sa vie !»]
pour la seconde journée, le curé rajoute que  Les renseignements susdits, comme à la première journée d’exhumation, reposent sur des témoignages plus ou moins certains ou probables. Nul ne pourrait garantir l’exactitude des corps levés : tout, l’age, le sexe, a été determiné par des personnes compétentes; et quand il ne reste que des ossements et de la pourriture, le doute sur les exhumations incertaines laisse la liberté de croire qu’on ne se tromperait pas si on changeait l’age.»]
pour la troisième journée, une mention particulière est digne de mention : [«Deux enfants de Barthelémy Lafontaine (les brulés),» ; 22 ans et 12 ans;]
- à la fin de l'opération, le curé estime le nombre d'exhumations positives à 50 et les incertaines à 101, auxquelles s'ajoutent 28 personnes de l'ancien cimetière pour un total de 179 personnes. Compte tenu des commentaires du curé, ces chiffres doivent être pris sous toute réserve
- la difficile identification des cadavres avec les éléments pris en compte : l'âge estimé, l'état des corps [restes, squelette, ossements....] et l'emplacement du cadavre; le curé lui-même émet des doutes sérieux sur la fiabilité des identifications effectuées
- en résulte un grand nombre d'incertitudes dont l'identification des cadavres et l'emplacement des nouvelles tombes
- les squelettes de la fosse commune n'ont pas été oubliés et ont été inhumés dans un espace analogue dans le nouveau cimetière «…les corps des reservés ont été deposés dans le cimetière actuelle des reservés et que tout ce susmentionnés à part les corps reservés a été déposé vers le milieu du Sud du cimetière actuel, et que ces restes, après inhumation complète ont été caché et enterré tel que soit par le terrain ordinaire soit par du gravier.…»
- la mention d'un «vieux cimetière» [«un vieux cimetirère y déposé dans une caisse de 3 pds  quarrés...»] illustre bien les limites de la mémoire collective d'une communauté paroissiale en cette matière et, de façon indirecte, qu'un registre de l'état civil est un instrument déficient au plan de la gestion d'un cimetière
- il faut considérer ces informations davantage comme un document de la fabrique qui a la responsabilité de la gestion du cimetière. 
 

[Summary :
The church record about a mass exhumation of corpses in Sainte-Anne-des-Monts, Québec.]

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