lundi 5 octobre 2009

À propos de l'affaire Jean Pierre Pepin Ancestry

Ces dernières semaines, ce que nous appellons ici «l'affaire Jean Pierre Pepin Ancestry» a créé des remous chez les chercheurs internautes au Québec et surtout ailleurs.

Un bref rappel des faits

À la fin du mois d'août dernier et pour une période de 25 jours, soit jusqu'au 21 septembre 2009, la Collection Drouin n'a pas été accessible sur le site payant Ancestry.ca. Cette situation faisait suite à un différend entre Jean Pierre Pepin et Ancestry à propos de la mise en application de certaines des modalités d'un contrat de licence octroyé par Jean Pierre Pepin à Ancestry.

Prenant prétexte d'une ambigüité dans le texte de ce contrat, Ancestry a, dans un premier temps, mis en ligne les images de la Collection Drouin et, dans un deuxième temps, un index qui ne correspondait pas aux spécifications mentionnées dans ce contrat.

Dans une décision un date du 12 août 2009, l'arbitre André Deslongchamps, a tranché en faveur des prétentions de Jean Pierre Pepin.

Le filon payant [ou, en anglais, the name of the game]

Il ne faut pas se méprendre sur l'enjeu véritable de ce différend. Le bassin de chercheurs internautes et notamment les Américains et les Canadiens susceptibles de payer pour avoir accès à cette Collection est au coeur même de cette affaire.

Les revenus potentiels à tirer de ce filon sont tels qu'ils ont incité Ancestry à «s'essayer» dans le but de rentabiliser au plus tôt les investissements financiers considérables consentis à l'acquisition et à l'indexation de cette Collection.

Une information partielle, partiale et éphémère

Une donnée clé pour la compréhension du contexte de cette affaire concerne l'information disponible aux chercheurs.

Pour sa part, Ancestry sur son blogue ancestry.com Blog a seulement fait état de façon plus que laconique de l'accessibilité en ligne de la Collection Drouin. Un tel traitement en dit long sur la place occupée par les abonnés parmi les priorités de cette compagnie. Et les abonnés qui les ont interpellés par courriel se sont fait dire platement que leur équipe juridique étudiait leurs droits sur le contenu de cette Collection.

De son côté, Jean Pierre Pepin a joué la carte de l'information partielle en donnant, pour un temps, accès sur le site de l'Institut généalogique Drouin au texte de la décision arbitrale et, peu avant le 21 septembre 2009, à un bref et laconique communiqué commun avec Ancestry faisant état que les deux partenaires avaient réglé ce différend. Notons que la consultation du texte de cette décision a notamment permis d'apprendre la façon dont cet index a été élaboré par Ancestry, soit à partir des seules mentions apparaissant en marge des actes.

De nombreuses réactions de chercheurs internautes

Par choix, nous nous attarderons ici au traitement de cette affaire et à certaines des réactions formulées par les blogues et particulièrement par les blogueurs autres que québécois. Ces blogues ont généré de loin le trafic le plus important sur cette question et serviront à étayer notre propos.

Dans sa Eastman's Online Genealogy Newsletter, Dick Eastman en a traité deux fois, soit le 30 août 2009 [Ancestry.com in Arbitration over the Drouin Collection] et le 18 septembre 2009 [Ancestry.com and the Drouin Genealogical Institute Reach Agreement]. Pour l'essentiel, ce dernier s'est contenté de se faire le porte-voix du seul point de vue de Jean Pierre Pepin en reproduisant le contenu des communiqués de ce dernier. Comme cela se voit trop souvent dans la blogosphère, un tel traitement incomplet et superficiel ne rend guère service aux chercheurs internautes.

De son côté, le blogueur anonyme The Ancestry Insider a fait état de l'affaire, le premier septembre 2009 [Whence the Drouin Collection?] et le 21 septembre 2009 [Drouin Collection Returns and Respect the Fonz] sans manifestement en avoir une bonne compréhension. Par ailleurs, il faut lui donner le crédit d'avoir reproduit de l'information sur l'histoire de la Collection Drouin. En raison de l'objet même de son blogue et de ses contacts avec le milieu d'Ancestry, on se serait attendu à un traitement davantage fouillé de sa part. Il est toujours temps pour ce dernier de se reprendre s'il veut conserver sa crédibilité auprès des chercheurs notamment canadiens.

Enfin, une blogueuse ontarienne Lorine McGillis Schulze [Olive Tree Genealogy Blog] en a traité le 30 août 2009 [Ancestry in arbitration over the Drouin Collection], le 2 septembre 2009 [Is There Genealogical Life without Drouin?] et, enfin, le 18 septembre 2009 [Drouin Institute and Ancestry.com reach an agreement!]. Dans son second message, elle fait la preuve en réponse à un internaute que, comme de trop nombreux bloggeurs, elle est atteinte du «syndrome de Lucky Luke» [ou le besoin maladif d'afficher plus rapidement que son ombre]. Dans son dernier message, elle a la bonne idée de formuler diverses suggestions de sources alternatives à la Collection sans que son tour d'horizon soit complet.

Se dégagent nettement de ce tour d'horizon un certain nombre d'éléments :
- une nette conviction que, pour les Américains notamment, il s'agit là d'une problématique périphérique parce que canadienne et présentant le défaut additionnel que les éléments principaux sont en français; voir ces derniers devoir utiliser un logiciel pour traduire les documents et échanger entre eux sur le sens à donner au résultat a de quoi faire sourire
- une méconnaissance chez de nombreux internautes du contexte particulier de la généalogie au Québec
- une belle illustration des forces [dont la rapidité de transmission de l'information et la possibilité de formuler des commentaires et des réactions...] et des faiblesses [l'instantanéité qui ne favorise guère la pertinence et l'à propos du contenu...] des blogues comme média
- par delà les réels ennuis occasionnés aux abonnés et à leurs recherches, peu d'internautes ont soulevé les questions de fond relatives aux enjeux véritables et aux
pratiques plus que discutables d'Ancestry au plan de l'éthique et du traitement de ses abonnés
- au net, un traitement plutôt décevant et superficiel et les Américains, souvent si prompts à monter aux barricades, ont raté le coche cette fois.

Un dommage collatéral important : la crédibilité du PRDH sérieusement écorchée au passage

En raison surtout de son expertise reconnue dans le traitement des registres de l'état civil du Québec, la participation du PRDH devait assurer la crédibilité de l'opération d'indexation de la Collection Drouin. Force est de constater que cette expertise a été ignorée par Ancestry, ce que confirme la piètre qualité de l'index mis en ligne et qui ne rend nullement justice à la richesse du contenu des actes. Plus inquiétant encore, le règlement du différend ne fait nulle mention de cet index, une bien mauvaise nouvelle pour les chercheurs.

Et dans un avenir pas si lointain

Nul besoin d'être devin pour comprendre que le règlement de cette affaire a coûté cher à ces deux partenaires, et particulièrement Ancestry. Comme ce dernier voudra rentabiliser au plus tôt ses importants investissements, il sera forcé de revoir son scénario financier et d'augmenter le coût d'un abonnement au site Ancestry.ca. Dans ce contexte, une partie du communiqué commun prend alors tout son sens : les remerciements formulés à la communauté des chercheurs s'adressaient principalement aux abonnés internautes (surtout Américains et Canadiens) à qui la facture sera refilée. Parmi les questions qui demeurent, l'ampleur de la hausse et à quel moment....et il y a fort à parier que les réponses ne sauront tarder.


[Summary :
Some personnal thoughts on «the Jean Pierre Pepin Ancestry affair».]

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