dimanche 18 septembre 2011

Dans la foulée du colloque de la SGQ

Le samedi 10 septembre 2011, la Société de généalogie de Québec(SGQ) a tenu un colloque sous le thème D'hier à demain : vers de nouvelles origines pour souligner le cinquantième anniversaire de sa fondation.

La présentation de certaines des conférences nous suggère quelques réflexions et commentaires regroupés sous certains thèmes. Un article sur les conférences de ce colloque paraîtra plus tard dans un numéro de la revue L'Ancêtre.

Génétique et généalogie

Le développement de la génétique ne date que d'une centaine d'années et s'est accéléré ces dernières années avec les analyses de l'ADN. Il y a là une interpellation lourde pour la généalogie puisque cette dernière technique jouit d'une aura de précision fine et de résultats «définitifs» qui peuvent être appliqués à des cas concrets particuliers. Certains y voient là la méthode la plus sûre pour prouver ou conforter certains liens de parenté, dont les filiations.

Pour un chercheur en généalogie, cette technique comporte par ailleurs des aspects troublants sinon inquiétants :
- elle est coûteuse même si le prix d'un analyse d'ADN a baissé
- elle requiert une expertise pointue pour une exploitation correcte des résultats
- une interrogation se pose si les analyses des échantillons ont été effectuées selon les règles de l'art
- quels autres usages feront les compagnies privées des échantillons qui leur ont été confiés ?
- d'autres interrogations se posent au plan moral et éthique avec les tests pour déceler des maladies dégénératives; comme l'a soulevé une participante, dans des cas concrets, des questions à la fois morales et étiques lourdes se posent et dont les réponses sont loin d'être évidentes.
Au net, pour un chercheur individuel, le recours à la technique de l'analyse de l'ADN ne se justifie que dans des cas précis et avec une grande prudence.

L'exploitation des résultats obtenus pour des groupes régionaux apporte un éclairage neuf et qui replace certaines problématiques dans des perspectives nouvelles. La conférencière Hélène Vézina faisait usage de la notion de parenté proche [soit quatre à cinq générations et dont les personnes concernées peuvent être identifiées par les registres] et éloignée fournie par la génétique; le tout faisait nettement ressortir que les informations sont loin d'être entièrement nominatives en cette matière. De plus, l'interprétation des résultats obtenus se doit d'être nuancée même si certains mythes véhiculés [dont celui des 21 fondateurs du Saguenay notamment] sont déboulonnés.

Dans ce domaine, la pertinence sinon la nécessité de continuer de faire de la généalogie traditionnelle de qualité se dégagent avec netteté. Surtout que l'importance des conjoints de fait constatée ces dernières années complique singulièrement l'établissement des liens de parenté, ce qui met en cause la base même de l'architecture des données en généalogie.

Il est à noter qu'une des retombées étonnantes du recours à la génétique est de renforcer la tendance toujours trop présente en généalogie de privilégier les liens de filiation. Pourtant, si une connaissance davantage complète d'une personne est souhaitée, il y a lieu de déborder très largement la seule ascendance génétique et patronymique.

Le tandem généalogie et histoire

Débat traditionnel, universel, qui est loin d'être résolu et dont le conférencier Donald Fyson a bien balisé les contours. Sur le fond, il est manifeste que des attitudes doivent être modifiées : les généalogistes doivent aller au delà du seul patronyme et enrichir leur quête de sens en l'alimentant par d'autres dimensions, dont des éléments du contexte historique; pour leur part, les historiens se doivent de mieux ancrer leurs préoccupations dans le territoire et les personnes qui y vivent; pourront alors émerger des notions telles les réseaux (familiaux, de proximité ou professionnels), les comportements de clan, les parcours de migrations familiaux ou autres... qui peuvent s'avérer utile pour une meilleure compréhension de situations et d'événements.

Il faut noter que ce conférencier s'intéresse notamment à la justice criminelle, un univers où l'information est systématiquement reliée à une personne et très détaillée, un des rares créneaux de l'histoire qui présente de telles caractéristiques et, tout comme la généalogie, pose au quotidien la question éthique de savoir quoi publier et dans quelles circonstances.

Les terrains les plus propices de rencontre et de collaboration entre les historiens et les généalogistes sont constitués des biographies, des histoires de famille ou des monographies locales. Les registres de l'état civil constituent un autre lieu où la collaboration et le travail en équipe pourraient être mis à profit. Les généalogistes s'en servent systématiquement pour leurs travaux alors qu'encore trop peu d'historiens les consultent. Les travaux découlant du Programme de recherche en démographie historique (PRDH) ont fourni des exemples particulièrement éloquents de la richesse de ces registres et de la diversité de l'exploitation qui peut en être faite.

Cette situation tient pour beaucoup à la qualité et la richesse des registres de l'état civil du Québec, une situation à peu près unique au monde. Dans ce contexte, pourquoi ne peut-on pas rêver de tabler là dessus pour se donner des conditions favorables à la poursuite de l'exploitation de ces registres ?

À l'heure actuelle, l'état des lieux des registres de l'état civil du Québec est pour le moins inégal : à grands traits, leur accessibilité en ligne n'est possible que jusque vers le début des années 1940 et ce uniquement pour la copie civile, la copie religieuse n'étant disponible qu'avant 1876; de plus, leur indexation est partielle et de qualité fort variable; si l'on excepte la période d'avant 1800 pour les registres catholiques indexée avec l'index complet et fiable du PRDH, de nombreux index coexistent qui ont pour caractéristiques d'être incomplets ou de fiabilité douteuse.

Est-il possible et réaliste d'élaborer un chantier important, de très longue haleine et qui doit s'intéresser tant à l'accessibilité des registres [modifier la limite de 100 ans pour leur archivage; mettre en ligne davantage d'années pour la copie religieuse...] qu'à leur indexation la plus complète possible. Tabler sur la qualité de nos registres par la mise en place d'instruments permettant de les exploiter plus adéquatement permettrait de s'assurer d'augmenter la qualité des travaux sur ceux-ci. Il y a là un défi de taille à relever pour les généalogistes et les historiens s'ils veulent coopérer et y collaborer. Et, après tout, il s'agit là de la source première.

BAnQ et la généalogie

Le rappel par Rénald Lessard des gestes de collaboration et de concertation intervenus entre le centre régional de Québec de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) et la SGQ est instructif tout en laissant songeur. Comment peut-on expliquer qu'une telle situation ne s'est pas répétée avec autant de diversité et d'intensité dans les huit autres centres régionaux de BAnQ ? S'agit-il seulement de facteurs spécifiques à chacun d'entre eux ?

La plupart de ces gestes datant ou ayant été mis en place lors de la période des Archives nationales du Québec (ANQ), se dessine en filigrane la question de la place de la généalogie à BAnQ. Le premier billet de ce blogue initulé Le silence de BAnQ portait sur cette question. Il est désolant de constater que, plus de quatre ans plus tard, le contenu de ce billet et les interrogations soulevées sont pour l'essentiel toujours aussi actuels. Cette situation semble tenir tant à une question de culture livresque dominante à l'interne qu'à la cohabitation en silos d'autres cultures à l'intérieur de BANQ. Pour malheur, le moindre virage en ce domaine ne se prend pas du jour au lendemain.

La tendance actuelle et tout à fait justifiée de BAnQ de numériser le plus grand nombre de documents possibles a grandement favorisé leur accessibilité; par contre, cela a vraisemblablement contribué à faire diminuer la fréquentation dans ses salles de consultation, une situation quelque peu paradoxale quand on sait que BAnQ acquiert chaque année davantage de documents qu'elle ne réussit à en mettre en ligne. Il y a là une fracture au plan de l'accessibilité à l'information qui s'élargit sans cesse et dont les chercheurs internautes ne soupçonnent ni l'existence, ni toutes les conséquences. De plus, l'accessibilité en ligne est quelque peu limitée par la mauvaise organisation actuelle de l'information sur son Portail [heureusement actuellement en révision] et une description quelque peu bâclée de certaines collections, dont celle des registres de l'état civil.


[Summary :
Some personal reflections and comments about a symposium in Québec, Québec.]

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